La Cour de Cassation examine la demande inédite de "rétablissement de l'honneur" d'un condamné à mort converti au christianisme

La Cour de Cassation examine la demande inédite de rétablissement de l'honneur d'un condamné à mort converti au christianisme

La Cour de cassation examinera jeudi une demande inédite et à portée essentiellement symbolique, permise depuis peu : celle du fils d'un condamné à mort, guillotiné en 1957, qui demande aujourd'hui le "rétablissement de l'honneur" de son père.

Le 25 février 1954, Jacques Fesch, un jeune homme de très bonne famille de 23 ans qui voulait s'acheter un bateau pour faire le tour du monde, braque un agent de change dans Paris.

En frappant l'agent à coups de crosse, l'apprenti braqueur fait feu et alerte les passants. Dans sa fuite, il tire, blesse plusieurs personnes et tue un policier, avant de s'engouffrer dans le métro où il sera finalement maîtrisé.

Le policier Jean-Baptiste Vergne, 35 ans, veuf depuis peu, laisse une fille de quatre ans. La cour d'assises condamne Jacques Fesch à la peine de mort. Sa demande de grâce est rejetée, il est exécuté à l'aube à la prison de la Santé le 1er octobre 1957.

Pendant ses trois années de prison, Jacques Fesch change. "Paresseux et vantard" de réputation, cet homme qui avait volé son beau-père ou encore acheté une voiture de sport avec l'argent prêté par sa mère pour fonder son entreprise découvre "brutalement" la foi chrétienne en détention, écrira-t-il.

"Exemplaire"

"Irréprochable", il passe son temps à écrire et correspondre, notamment avec un moine. Ses textes seront publiés, parmi lesquels son journal, sous le titre "Dans cinq heures, je verrai Jésus". Une école catholique porte son nom et un "procès en béatification" avait été entamé pour ce "modèle de rédemption".

"Obtenir sa réhabilitation, ce n'est pas effacer ce qu'il a fait", explique son fils Gérard Fesch, 69 ans. "C'est retenir que tout le monde peut se repentir et se racheter", que "la deuxième chance existe, même si malheureusement lui ne l'a pas eue".

Enfant de l'assistance publique, né hors mariage, Gérard Fesch a appris qui il était par hasard, à l'âge de 40 ans, en lisant un article. "J'ai découvert cet homme, son parcours assez exemplaire, ses lettres où il disait me reconnaître et voulait qu'on me retrouve".

"Pas le bienvenu" dans la famille Fesch, dit-il sobrement, il porte seul le combat pour la réhabilitation de son père.

Fondée sur l'idée du pardon, la procédure de réhabilitation est une "mesure de bienveillance" selon la Cour de cassation, permettant d'"effacer" la condamnation une fois la peine effectuée - à condition que le condamné prouve sa "bonne conduite" pendant un "délai d'épreuve" de cinq ans.

Un délai qui, par définition, ne peut exister pour un condamné à mort.

Avis défavorable

Contre cette injustice, les avocats de Gérard Fesch, Eric Dupond-Moretti et Patrick Spinosi, avaient déposé en 2018 une question prioritaire de constitutionnalité. En 2020, le Conseil constitutionnel a estimé que la loi ne posait pas problème, mais suggéré que soit créé un recours spécifique ouvert aux ayants droit d'une personne condamnée à mort, "tendant au rétablissement de son honneur à raison des gages d'amendement qu'elle a pu fournir".

Ce fut chose faite quelques mois plus tard, grâce à un amendement du gouvernement dans une loi justice, portée fin 2020 par Eric Dupond-Moretti entre-temps devenu ministre.

C'est donc la première fois, et sans doute la dernière, que la Cour de cassation devra répondre à une telle demande.

Dans son avis dont l'AFP a eu connaissance, l'avocat général n'y est pas favorable. Il estime que Jacques Fesch a certes été irréprochable en détention mais n'y a rien "fourni" pour la société; qu'il n'est pas "établi" qu'il a dédommagé les victimes. Quant à son "élévation religieuse", elle relève surtout de la sphère de l'intime, considère-t-il. Et s'il est devenu un modèle pour d'autres après sa mort, c'est "indépendamment de sa volonté".

L'avocat de Gérard Fesch, Me Spinosi, espère lui une "décision historique" qui rendra "son honneur à un homme dont le parcours en détention avant son exécution a désormais valeur d'exemple".

La plus haute juridiction judiciaire a aussi l'opportunité "de condamner juridiquement la peine de mort, en elle-même, comme une sanction inique qui par son exécution a interdit toute possibilité d'amendement à ceux à qui elle a été appliquée", dit-il.

L'audience sera filmée pour les archives historiques et la décision mise en délibéré.

La Rédaction (avec AFP)

Crédit image : Creative Commons/ Flickr

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